Le tas de fumier poussant sur la rose.

En 2014, un film belge remporte le césar du meilleur film étranger et manque de peu l’oscar du meilleur film en langue étrangère. Ce film, ce n’est autre qu’Alabama Monroe ( ou The Broken Circle Breakdown originellement) et raconte la vie d’un couple haut en couleur qui surmontera la maladie incurable de leur petite fille. De ce pitch relativement classique ( qui a dit chiant?) Felix Van Groeningen en tire une narration fascinante qui réduit au néant la notion de temporalité. Flashback, Flashforward, ellipse, tout y passe et on prend un plaisir certains à regarder tout ce petit monde s’aimer se détester, se réconcilier, s’effondrer. Pour ne rien gâcher les acteurs sont époustouflants en ne tombant jamais dans le cabotinage grossier, mal qui par ailleurs touche pléthore de drame. Rajoutons à cela une bande sonore country somptueuse et parfaitement intégré à l’histoire et vous comprendrez aisément que Alabama Monroe est un chef d’œuvre en devenir… Du moins, c’est l’impression qu’on en a lors de la première moitié du long-métrage.

Et pourtant… Tout s’effondre une fois la maladie écartée. Le montage, la mise en scène ou les acteurs ne sont pourtant pas coupable de tout cela alors que ce brave Felix lui a sciemment transformé le film en lui enlevant un élément indispensable : la pudeur.

En effet, des lors que le film s’enfonce dans l’horreur de la vie il se complaît à faire souffrir inutilement les personnages, jamais pour faire avancer l’histoire, jamais pour émouvoir, toujours pour provoquer un malaise. Malaise d’autant plus profond quand on imagine Felix jubiler derrière la camera tel un Zola expurgé de toute sociologie. L’apogée de tout cela reste un dialogue ( affreusement mal écrit qui plus est) où nos héros se renvoient la faute dans l’unique but de déstabiliser l’autre. Intérêt scénaristique : 0. Niveau d’écriture : 0. Complaisance : beaucoup trop.

Entendons-nous bien, voir des personnages qui souffrent n’a rien de gênant, s’ils souffrent dans une optique scénaristique précise. Tout comme la violence ou le sexe, la douleur gratuite n’a que peu d’intérêt et se contente de satisfaire nos bas instincts.
Et si un sursaut de beauté à la fin ravivera la flamme des premiers instants, le mal est fait… Alabama Monroe est une magnifique rose noyée sous un tas de fumier.

En 2014, un petit film espagnol du nom de Blanca Nieves était lui aussi en compétition pour le césar tant convoité. Il repartira bredouille de toutes récompenses si ce n’est de ma petite larme sur le fauteuil rouge de mon cinéma de quartier. Une récompense humide, pour un film sans aucun dialogue, que n’aura jamais Alabama Monroe, jamais.

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